mercredi 11 juillet 2012

Il paraît que les prisonniers ont la belle vie

D'après le journal "Le Soir" de ce matin (!), il n'y a pas que de mauvais moments en prisons. Il semblerait même qu'à côté de la surpopulation, des brimades entres détenus, des petits business avec ou sans la complicité des surveillants, il y a même de la place pour la culture, l'éducation, l'apprentissage, les fêtes de St Valentin, et...

A en croire le titre ronflant proposé par le professionnel du bon mot que mon abonnement paie chaque jour pour attirer le regard du chaland sur le journal: "En prison, la peine côtoie aussi de grandes joies".

S'étalant sur toute la largeur de la huitième page du journal, le titre ne manquera pas de faire réagir tous ceux qui ont du mal à nouer "honnêtement" les deux bouts à la fin de chaque mois. Quoi ? Nos impôts serviraient donc à fournir "de grandes joies" aux assassins, aux violeurs et à tous ces brigands qui fréquentent les geôles du royaume ? Ne serait-il pas temps d'organiser une marche blanche pour mettre fin à cette incurie ?

Quand donc le "titreur" du Soir comprendra-t-il (ou elle - la bêtise n'est pas l'apanage des hommes) qu'un titre peut être attractif sans être populiste ? Car en fait, dans l'article en question, de quoi nous parle-t-on ?

Ce dont il est d'abord question, c'est de ce que l'on met en place pour s'assurer que la privation de liberté ne sert pas à augmenter la frustration des détenus et leur désir de vengeance contre la société au jour de leur sortie. Car un jour ces détenus sortiront de prison (ok, il y en a dans la salle qui vont dire que c'est bien là le problème et que si on les y laissait en prison, ils ne récidiveraient jamais, mais on reviendra sur cela un autre jour). Et ce jour là, ce ne serait pas plus mal si ils choisissaient une meilleur intégration sociale. Alors, voyons un peu quelles sont ces "grandes joies":

  • e-learning: des formations pour retrouver un diplôme ou un travail. C'est certain, il vaut beaucoup mieux que nos détenus sortent de prison pour "replonger" dans le chômage ou la dépendance du CPAS. Donc, pas de grande joie éducative pour eux !
  • des spectacles, de la musique classique, du théâtre (présenté par des troupes extérieures pour eux, ou joués par les détenus eux-mêmes). Donner à un détenu le goût d'activités culturelles différentes des sorties dans les bars les plus louches de la ville, c'est une bonne manière de leur donner une porte d'entrée vers des lieux où ils pourront s'attaquer aux "riches". Il faut arrêter cela tout de suite !
  • des activités sportives pour les maintenir en forme: c'est bien le comble, voilà que notre argent sert à entrainer des criminels à courir plus vite... alors qu'il faudrait justement profiter de leur passage en prison pour leur couper tous les moyens de se défendre ou de s'enfuir si ils récidivent. Allons, rangez-moi vite tous ces ballons au vestiaire...
Revenons à un peu de réalisme: la condamnation à une peine de prison est une condamnation à une seule peine: la privation de la liberté de circuler. Elle maintient le condamné à l'écart de la société pendant un certain temps. Et ce maintien à l'écart ne peut se lire selon moi que sur deux axes: la protection du détenu contre lui-même et la protection de la société contre le détenu. Et si pour les plus grands criminels, c'est sans doute le second axe qui prime, pour la plupart de ceux qui fréquentent les cellules surchargées de nos prisons ce devrait être le premier axe qui compte.

Celui qui a commis un délit suffisamment grave que pour mériter d'être retiré pour un temps de la société ne sortira "meilleur" de cette épreuve que si il est accompagné dans sa réflexion sur les comportements qui l'ont amené là où il se trouve, et que si tout est mis en oeuvre pour qu'au jour de sa sortie, il ne soit ni déboussolé par le monde qui l'entoure, ni défavorisé sur les marchés de l'éducation, du travail et de la fréquentation sociale. Et c'est bien à cela que doivent servir (et servent) les prétendues "grandes joies" du journal "Le Soir". Combien de détenus sortent de prisons en ayant perdus leurs contacts sociaux normaux, un peu plus inculte qu'à leur entrée en prison, et marqués au fer rouge pour tout retour sur le marché du travail ? Quelles options leur restent-ils pour survivre ?

Sans tomber dans un angélisme qui voudrait faire de chaque détenu en fin de peine un Samaritain repentant, reconnaissons qu'en les condamnant d'avance, nous ne faisons que créer les conditions d'une récidive finalement étonnamment rare...

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